Jeudi 22 juin 2017. Rendez-vous est donné par le Collectif Santé Ville d’Île-de-France aux Grands Voisins, ancien hôpital parisien désaffecté qui, en attendant sa démolition, sert de laboratoire d’économie solidaire. Après avoir longé des allées bordées de restaurants d’insertion et de start-up, les invités – une quarantaine de coordinateur et coordinatrice d’Ateliers Santé Ville, de Contrats Locaux de Santé, de Conseils Locaux de Santé Mentale ou de démarches similaires – arrivent dans la salle de l’événement. En découvrant que celle-ci est habituellement utilisée par l’association Les Petits Débrouillards, certains s’amusent d’y voir un clin d’œil à leur métier, qui requiert beaucoup d’ingéniosité et de créativité pour réduire, avec peu de moyens, les inégalités sociales et territoriales de santé. Une parfaite entrée en matière pour cette journée d’échange, qui a pour thème « Démarches locales de santé : partageons nos moyens d’agir ! »
Expliquer
Dès l’ouverture de l’événement, les discussions autour du café vont bon train. On comprend vite que ces professionnels de démarches locales de santé entrent avec beaucoup d’engagement et de dynamisme dans leur métier, mais qu’ils font face à de nombreuses problématiques. Alors que les moyens humains et les budgets diminuent, la liste de leurs missions ne cesse de s’allonger : diagnostic des besoins du territoire, définition des actions à mettre en œuvre, coordination, animation, recherche de financements, comptes rendus aux élus et financeurs… S’y ajoute l’instabilité des contrats de travail, liée à l’incertitude des budgets, et l’implication plus ou moins grande des élus. La solitude aussi, puisqu’une seule personne est souvent missionnée dans le territoire pour gérer une ou plusieurs démarches. Tout cela induit un turn-over important, donc une discontinuité des projets.
« À travers l’organisation de cette journée, nous souhaitions créer du lien entre ces personnes, favoriser le partage d’expériences, mais aussi construire ensemble des outils pour faciliter leur travail et professionnaliser davantage leur fonction », annonce en introduction Karine Bisson, présidente du Collectif Santé Ville d’Île-de-France, qui rassemble celles et ceux qui coordonnent des démarches locales de santé dans la région.
« À lire nos fiches de poste il ne nous manque qu’une cape de super-héros »
— Un participant souhaitant rester anonyme
138 démarches locales de santé ont été recensées par le collectif en Île-de-France : 68 Ateliers Santé Ville, 68 Conseils Locaux de Santé, 40 Conseils Locaux de Santé Mentale et 2 démarches associatives non labellisées.
Raconter
Les professionnels ont développé des méthodes et outils qui contribuent à renforcer leurs démarches. Les trois ateliers de la journée avaient pour objectif de les partager, voire de les mettre en pratique. Et l’introduction de la journée, sous forme de speed-dating, n’a pas fait exception.
### Speed-dating, et plus si affinité
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L’exercice était inscrit au programme, sans plus de précision. La plupart des participants se demandaient donc qui ils allaient bien rencontrer et pourquoi, jusqu’à ce que Diane Barthet, l’une des membres du Collectif Santé Ville, par ailleurs coordinatrice de plusieurs démarches de santé à Sarcelles, donne les règles :
*« Pendant cinq minutes, vous allez parler avec une personne que vous ne connaissez pas dans la salle, échanger avec elle sur vos missions ou vos difficultés, jusqu’à ce qu’on sonne le gong. Alors vous changerez d’interlocuteur, et ainsi de suite pendant quatre ou cinq tours. »*
Si, au premier abord, l’initiative a pu faire sourire, elle a eu le mérite de démontrer l’intérêt de ce *« jeu »* pour faciliter l’animation de groupes de travail. En effet, les ateliers de la journée nécessitaient une forte participation de la part de personnes qui ne se connaissaient pas. En leur donnant en amont l’occasion de se présenter de façon informelle, le speed-dating a su créer le climat de bienveillance nécessaire aux échanges. En utilisant cet outil très simple à mettre en œuvre en début de journée, la parole devient bien plus libre et le travail plus productif qu’habituellement dans ce genre d’événements. Même les plus timides osent prendre la parole pour exprimer leurs idées.
### Un arbre pour cultiver son projet
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Pour aborder l’atelier sur la *« prise deposte, les leviers et les ressources »*, Diane Barthet et ses collègues, Maïté Rolland et Eleonora Capretti, ont choisi d’utiliser la méthode de l’arbre. Elles ont demandé aux participants de dessinerensemble un arbre, dont lesracines seraient les bagages avec lesquels arrivent les nouveaux coordinateurs de démarcheslocales de santé tels que leurs études, les expériences professionnelles, ou leurs compétences ; le tronc serait l’environnement de travail au moment de leur prise de poste que cela représenta leur équipe, leurs partenaires, ou les subventions; et les branches les ressources sur lesquelles s’appuyer pour s’épanouir dansleurs missions, à savoir les formations, les outils, oules échanges de bonnes pratiques. Grâceà cet outil visuel, il devenait plus facilede se faire une idée du métier, alors que celui-ci semble être très différent d’un territoire à l’autre, et que les décideurs eux-mêmespeinent à définir des fichesde postes. L’exercice était aussi unbon moyen de tester l’arbreentant que support d’animation de groupe de travail, comme l’explique Diane Barthet :
*« Nous l’utilisons beaucoup en missions locales, par exemple lors d’ateliers sur l’estime de soi ou la présentation, car il aide à construire sa pensée et favorise l’expression. Il est aussi possible de s’en servir avant une réunion avec des élus ou des financeurs, pour préparer la présentation d’un projet et de ses résultats. Celapermet de clarifier sa penséeet de ne rien oublier. »*
### Se faire identifier avant de trouver ses partenaires
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Un autre atelier visait à répondre à la question suivante : *« Comment inscrire sa démarche dans son environnement ? »* Il n’était pas question de réfléchir au moyen de développer son réseau, mais d’avoir une façon plus efficace de l’activer. Cécile Tshilenge, coordinatrice d’Ateliers Santé Ville à Corbeil-Essonnes y a participé et en a retenu ceci :
*« Il vaut mieux repérer les besoins de son territoire avant de rechercher les structures qui travaillent sur ces problématiques et de leur demander de nous aider à monter des actions. C’est plus efficace que de partir des structures présentes dans son réseau ou de développer celui-ci en tous sens. En outre, avant de demander des subventions, il est important de bien se faire identifier par ses interlocuteurs : ils ne savent pas forcément qui vous êtes. »*
### Cibler sa communication pour convaincre
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Quand les coordinateurs et coordinatrices cherchent à mobiliser des publics, à convaincre des décideurs ou à obtenir des financements pour leurs démarches de santé, ils se heurtent souvent à un frein de taille : le manque de visibilité et de connaissance de leurs actions par leurs interlocuteurs. Comment remédier à cela ? En améliorant sa communication. Avant toute réunion ou tout envoi de documents, il faut d’abord se poser les questions suivantes :
- *Qui est son interlocuteur ?* On ne s’adresse pas de la même manière à un groupe d’habitants, un élu, un organisme financeur ou un média.
- *Sur quoi souhaite-t-on communiquer ?* Son projet, ses actions ou ses résultats ?
- *Pourquoi ?* Pour obtenir des financements, rendre des comptes aux élus, inciter les habitants du quartier à participer aux ateliers, faire connaître son action à d’autres coordinateurs ou coordonatrices ?
Il faut alors adapter son discours en fonction. Ainsi, pour convaincre un élu de continuer à soutenir la démarche, il est important d’apporter des connaissances sur le projet, ses résultats, le fait que les plus-values de ces actions sont transversales avec d’autres politiques locales. Il faut donner des arguments, faire preuve de pédagogie.
Imaginer
Outre la mise en place de financements et de contrats de travail plus pérennes, plusieurs pistes ont été étudiées lors des ateliers pour rendre la fonction de coordination plus agréable. Voici celles qui continueront à être travaillées au sein du Collectif.
Les coordinateurs et coordinatrices de démarches locales de santé travaillent souvent seuls. Isolés, ils peinent parfois à se faire entendre ou à trouver des solutions pour agir. Créé en 2015, le Collectif Santé Ville entend devenir le porte-voix de cette profession à l’échelle de la région, mais aussi être un lieu d’échanges entre pairs.
Plus le collectif comptera de membres, plus il pourra faire entendre les particularités d’exercice de ce métier. Cela aidera, peut-être, à freiner le turn-over important induit par des conditions de travail souvent difficiles.
« Les coordinateurs ont sans cesse besoin d’expliquer leur démarche et de justifier pourquoi ils ont besoin de moyens pour assurer la continuité de leurs projets »
— regrette Karine Bisson, la présidente du collectif.
Le Collectif Santé Ville a créé, sur son site Internet, un forum d’échanges où ses adhérents peuvent autant partager leurs outils que demander des conseils à leurs pairs ou des soutiens pour une prise de poste. Par ailleurs, le collectif signale par mail à ses adhérents des événements, des outils et documents ressources, des appels à projets, des formations, des offres d’emplois et des sollicitations diverses (appels à communication...).
Et si on facilitait la prise de poste ?
Tous les coordinateurs et coordinatrices le disent : même après avoir déjà occupé une fonction similaire, la prise de poste est toujours un défi. Il faut compter un à deux ans minimum d’adaptation avant de se sentir à l’aise. En effet, cela nécessite du temps d’apprendre à connaître son nouveau territoire, d’identifier ses besoins, d’arriver à se faire identifier de ses partenaires et de construire son réseau. Un groupe de travail est lancé pour réfléchir à la création d’une « mallette d’accueil », que le collectif pourrait proposer aux nouveaux arrivants, avec toutes les informations nécessaires. Pour y participer, rendez-vous sur le site du collectif.
Et s’il existait une carte des partenariats ?
Un autre groupe de travail a été planifié pour développer un outil qui mettrait en exergue les différents partenariats envisageables en fonction de la thématique de sa démarche et de l’échelle de son territoire. Cela faciliterait également la prise de poste.
Orienter
- Le **Collectif Santé Ville d’Île-de-France** propose, sur (link: http://collectifsantevilleidf.fr text: son site internet), un (link: http://collectifsantevilleidf.fr/forum/ text: forum) de discussion mais aussi la cartographie régionale des démarches locales de santé, avec les coordonnées de tous les coordinateurs et coordinatrices ASV, CLS, CLSM et autres d’Île-de-France. Il est aussi possible de s’inscrire à une liste de diffusion, pour recevoir les dernières actualités par mail. Les documents de synthèse de la journée d’échange du 22 juin y ont également été (link: http://collectifsantevilleidf.fr/activites/evenements/journeesregionales/journee-regionale-2017/ text: mis en ligne). Par ailleurs, une (link: http://collectifsantevilleidf.fr/activites/productions/actus-2016-2017/ text: fiche "pense-bête") sur les principales actualités 2016-2017 en prévention et promotion de la santé a été réalisée en partie grâce aux suggestions des participants.
- La (link: https://www.fabrique-territoires-sante.org/ text: **Fabrique Territoires Santé**) constitue un centre de ressources visant à promouvoir les démarches portées par les Ateliers Santé Ville (ASV).
- Le **comité régional d’éducation pour la santé (Cres) de Languedoc-Roussillon** a produit (link: http://education-sante-patient.edu.umontpellier.fr/files/2011/05/Techniques-danimation.pdf text: un document) qui regroupe, sous forme de fiches synthétiques, toutes les techniques d’animation en éducation pour la santé. Parmi elles, la méthode de l’arbre présentée plus haut.
- **Santé Publique France** a mis en ligne (link: http://inpes.santepubliquefrance.fr/10000/themes/ISS/pdf/brochure-elus.pdf text: une brochure) sur l’intérêt des démarches locales de santé pour les politiques locales, un document utile pour communiquer auprès des élus.